« Si un invité meurt inopinément chez vous, ne prévenez surtout pas la police. Appelez un taxi et dites-lui de vous conduire à l'hôpital avec cet ami qui a un malaise. Le décès sera constaté en arrivant aux urgences et vous pourrez assurer, témoin à l'appui, que l'individu a trépassé en chemin. Moyennant quoi, on vous fichera la paix. - Pour ma part, je n'aurais pas songé à appeler la police, mais un médecin. - Cela revient au même. Ces gens-là sont de mèche. Si quelqu'un à qui vous ne tenez pas a une crise cardiaque à votre domicile, vous êtes le premier suspect. - Suspect de quoi, si c'est une crise cardiaque ? - Aussi longtemps qu'on n'a pas prouvé que c'était une crise cardiaque, votre appartement est considéré comme une scène de crime. Vous ne pouvez plus toucher à rien. Les autorités envahissent votre domicile, c'est à peine si elles n'inscrivent pas l'emplacement des corps avec de la craie. Vous n'êtes plus chez vous. On vous pose mille questions, mille fois les mêmes. - Où est le problème si l'on est innocent ? - Vous n'êtes pas innocent. Quelqu'un est mort chez vous. - Il faut bien mourir quelque part. » NOTHOMB Amélie, extrait du Fait du Prince, Albin Michel, 21 août 2008.